Là, sur ce parking éclairé, avec toutes mes caméras de surveillance, avec mon tailleur de boulot qui en impose, avec tout mon pouvoir de responsable, avec mon agent de sécurité à mes côtés!
Malgré tout ça, malgré tout ce blindage, j'avais à nouveau 15 ans!
Cette vague de terreur qui vous cloue au sol, cette sensation d'imminence, comme une main qui vous serre à la gorge, cette impression de s'écrouler en morceaux, de ne plus être rien, à nouveau à la merci!
J'ai eu presque 15 ans pour l'enfouir, pour apprendre à vivre avec, pour en faire une force, pour ne plus paniquer, pour être grande!
Il a suffit d'un rien! D'un mec bourré à la sortie du boulot, un jeune en plus, un que je peux regarder de haut en lui donnant du "jeune homme".
Un jeune homme dans ma vie de tous les jours, dans celle où je suis une chef, où je n'ai plus peur de rien même plus des coups. Ma vie de tous les jours où je me suis vue tenir tête à des marmules complètement défoncés sans bouger d'un cil face à leur violence!
Il a suffit de son regard sur mon corps, de ce souffle court en plein visage, de cette phrase "je reviendrais te voir, toi, tu m'excites avec ta mini-jupe, toi je vais te ..."
Merde, je peux même pas l'écrire à l'abri de ma maison dont je viens de vérifier tous les verrous, dont je viens de fermer tous les volets.
Et cette panique, ce froid glacial, comme si d'un seul coup j'étais congelée là, engluée au bitume, livide.
JC, mon bodygard pour ce soir a réagit lui, il l'a écarté d'une manchette et l'a menacé. Je crois même qu'il l'a poursuivi sur quelques mètres pour le faire fuir.
Et moi qui restait là comme une idiote, comme une môme, incapable de bouger, incapable de parler, comme si d'un seul coup je n'étais plus qu'un regard, exit le corps.
Brouillard!
Et JC qui reviens qui me dit que celui-là s'il se présente à l'entrée dans les jours à venir il passera pas, qu'il refuse qu'on me parle comme ça. Et puis les questions: Pourquoi vous avez rien dit (ben oui moi qui suis tellement incisive la plupart du temps) et pourquoi vous l'avez laissé approcher et pourquoi, et pourquoi, et pourquoi????
Toutes ces questions et moi qui le regarde ahurie, comme si je sortais d'un rêve, je comprend même pas pourquoi il m'engueule.
Il faut que je reprenne le dessus, je peux pas le laisser penser que je suis faible, il doit pouvoir compter sur moi, je dois pas devenir la petite chose qu'on protège.
Ils ont besoin à la Sécurité de savoir que j'irais au feu moi aussi s'il le faut, alors je relativise, comme une arracheuse de dents avec des "oui mais il est jeune, oui mais il est bourré..."
JC me regarde en face, décontenancé, je deviens improbable, incompréhensible à ses yeux, comme si je venais de perdre tout amour propre moi si fière, il comprend pas.
Je le remercie quand même, comme dans un brouillard, lui souhaite bonne nuit et à demain.
Il attend que je parte, et moi qui n'arrive même pas à trouver le contact! Appel de phares dans le rétro, ben oui je roule sans feux à 4h30 du matin mais tout va très bien puisque je me suis enfermé dans ma voiture et puis j'habite à 700 long mètres seulement.
Et c'est là que je me rend compte que je vis seule, personne pour me protéger maintenant!
Je sais que là maintenant tout de suite j'aimerais que mon ami ne soit pas à 700 kms mais juste derrière la porte! Et puis grand et costaud, avec des bras qui m'enfermeraient dans leur tendresse, avec des mots qui ne me demanderaient pas pourquoi je tremble, pourquoi j'ai le rimmel qui coule comme dans un mauvais film de série B!
Et demain il faut que j'y retourne, que je vois tomber la nuit, que je ne traque pas du regard le moindre mec louche, que je ne psychote pas à la fermeture d'être les derniers à sortir!
J'avais dit plus jamais!! PLUS JAMAIS!!
Plus jamais on portera la main sur moi, plus jamais on ne me réduira à sa merci, plus jamais on hypothéquera ma vie, mes nuits, mes ombres aux réverbères!
Je pars lundi, pour 2 semaines,au soleil, loin d'ici et maintenant je regrette.
Je regrette ces vacances! A cause de ce mec, de ce virus qu'il a fait resurgir!
Et puis j'ai peur et si cette fois je n'étais pas assez forte pour affronter le retour?
Je ne veux pas qu'il m'empêche de me sentir à nouveau chez moi ici, en sécurité.
Je veux pas qu'il fasse tombé un voile noir sur ma vie, je veux pas partir travaillé le soir avec la peur au ventre, je veux pas que tout s'écroule, je veux taire cet instinct qui me fait à nouveau sursauter au moindre craquement du plancher.
Non, non, non, pas question de replonger dans la terreur!
Publié le 19/06/05 à 6h00
Hélianne, MERCI! Merci d'avoir été une voix dans la nuit.
J'ai toujours essayé de prendre appui sur ce qui me blessait pour grandir, je pensais en avoir fait 1 force et tout c'est écrouler dernièrement! Dans ma famille en bonnes bretonnes ont se doit d'être forte (même pas peur, même pas mal!). Jamais j'en avais parler réelement, trop peur de lire de la souffrance dans leurs yeux, trop peur de leur faire du mal. Ma mère ne supporterais pas et je crois que je suis comme elle je pourrais tuer pour mes enfants, pour les gens que j'aime, tellement l'idée que l'on puisse les abimer m'est insoutenable. Alors leur infliger ça! Non, je m'en sortirais comme d'habitude comme une grande ou presque.
Rédigé par : Ying-yang | 26 juin 2005 à 02:21
En as-tu parlé à un professionnel? Pas de ce qui s'est passé hier, bien sur, tu n'as sans doute pas eu le temps. Mais de ce qui s'est passé il y a presque 15 ans. POur essayer, justement, de ne plus avoir peur d'une situation semblable.
En tout cas, je te souhaite bon courage... et de bonnes vacances!
Rédigé par : Hélianne | 19 juin 2005 à 11:54