Il y a de ces amitiés d'enfant, d'adolescent qui passent, qui s'effacent, des photos de classe ou de colos où 15 ans après on est incapable de mettre 1 nom sur 1 visage, 1 histoire derrière les nattes.
Et puis il y a les autres, les "on se quittera jamais" dont on a perdu la trace depuis 10 ans, parce que la vie est ainsi faite et parce que finalement c'est bête et vide un bus quand ça quitte le chemin de l'école.
On a des nouvelles de loin en loin, au moins ils sont vivants, mariés ou pas, parents ou pas mais tout ce chemin-là on l'a pas fait ensemble.
Alors il reste les souvenirs, les fou-rires en classe de géo, les ennemies que "même jamais de la vie on leur parlera" (mais on ne sait vraiment plus pourquoi!).
Il y a aussi les sœurs pour la vie;, signées au sang, au bout du pouce qui rougit. Cette gouttelette de sang comme une fleur d'amitié qui donnent des airs de conspirateur et des sourires complices!
Celles qu'on choisit, hors de l'école, hors des parents, envers et contre tous parce que si différentes Les 400 coups, les petites misères, les grands bonheurs et ces palabres à n'en plus finir c'est avec elles qu'on les a partagé.
Et 10 ans, 15 ans après retrouver tout cela au détour d'un appel, au détour d'un repas. A même pas 30 ans, se la jouer anciens combattants, avec ces clins d'oeil complices, ces souvenirs passés sous silence (mais non chéri avant toi je n'ai jamais eu de vie sexuelle je te le jure! lol) et cet amour de l'autre parfois ambigu, parfois douloureux.
Parce que cette "soeur pour la vie", parfois on la sens plus proche, plus complémentaire que sa propre soeur, que son propre sang. Je me souviens encore de cette soirée, ce n'est pas si loin où ses yeux s'étaient remplies de larmes. Ma Muffy, mon petit bout de femme déjà maman. Cette soirée où pour la première fois, elle était venu me voir au boulot avec son mari. Je n'avais pas eu beaucoup de temps à leur consacré à leur arrivée, trop de monde, une assistante qui débutait et qu'il fallait accompagner. Quand enfin j'avais réussi à m’asseoir avec eux pour prendre un verre (si si j'ai le droit: privilège des chefs), son regard m'avait frappé. Et ses mots:" personne n'aurait parié sur nous hein! Et bien tu vois on a réussi! Je suis tellement fière de toi, si tu savais comme ça me fait plaisir de te voir comme ça, ici tu es chez toi!". Et ses yeux qui débordaient de bonheur, qui débordaient de fierté pour nous deux, qui débordaient de larmes.
Elle avait raison, personne n'aurait parié sur nous, le binôme infernal, mises à l'écart du groupe de copains par les filles dès le départ parce que trop jolies, trop marrantes, trop coeur d'artichaud, pas assez prudes...A cette époque notre préoccupation c'était les garçons, les soirées, les court-échelle en pleine nuit pour les feux de camps et certainement pas les leçons.
Nous étions inconscientes avec le recul je m'en rend le compte, certaines finissent mal pour moins que ça. Et puis on a suivi nos chemins, de traverse comme d'habitude. Avec mon DUT commerciale j'ai atterri par passion dans l'univers des Jeux et le milieu de la nuit. Elle avec son BEP électrotechnique est aujourd'hui chef de rayon depuis peu. "Grâce à toi , un peu", balbutie-t-elle, "parce que je me suis dit que moi aussi je pouvais y arriver et puis tu avais l'air tellement passionné par le fait de gérer une équipe que ça m'a donné envie à moi aussi.
Elle, toujours en vadrouille, allure baba cool, toujours entre 2 histoires, est aujourd'hui mariée et heureuse, elle attend son 2ème bébé. Son rêve secret, elle l'a réalisé, celui sur lequel elle se lamentait dans la pénombre de nos chambres d’ados après chaque rupture (tous des cons de toute façon! lol!), celui de fonder une famille, d'avoir des enfants, d'être une maman. C'est la seule qui ne s'étonne pas que je ne sois pas marié, que j'ai choisi un métier si atypique.
Et c'est si bon! Si bon de retrouver nos fou-rires de gamines au détour d'une anecdote, cette fébrilité des "attends, attends, que je te raconte..." et cette lumière au fond des yeux dès que l'on se retrouve (malheureusement pas si souvent que ça), ce soleil dans la voix dès qu'on s'appelle.
Non, personne n'aurait parié sur nous, les croqueuses d'hommes, les foldingues, les juste dans la moyenne mais si aujourd'hui nous ne faisons plus cas du regard des autres, du jugement des autres c'est grâce à notre amitié, celle qui nous faisait exister belle et formidable dans le regard de l'autre, celle qui nous a fait grandir et que l'on retrouve chaque fois intact comme un cocon de tendresse.
A Buffy, ma "soeur pour la vie"...
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